BROWN JANUARY
Option Auto n°272 (Février / Mars 2025)
Option Auto n°272 (Février / Mars 2025)
Quitte à s’inventer des prétextes conditionnants, autant le faire à fond. Je me sais ours et enclin à stationner dans ma grotte à l’écart de toute interférence avec l’humanoïde vipérin, mais de là à être passé à côté d’un concept aussi débile… Je confesse en effet que j’abuse plus qu’à mon tour des trucs décalés, abscons et du troisième degré. Suis plus ouvert aux voyages en absurdie qu’au voyage de Gulliver. Aussi quand l’un de mes amis est venu légitimer son déclin moral quotidien en prétextant le Blue Monday, j’en suis resté comme deux ronds de flan. Et votre serviteur, consciencieux, de mener ses recherches pour comprendre de quoi il retournait. Le Blue Monday a vingt ans, est anglais et nous a été pondu par une boîte de com’ (sans déc…) pour déclarer le troisième lundi de janvier comme la journée la plus pourrie de l’année. Comprenez triste, froide, démotivante, pauvre : le bon jour pour se pendre avec ses lacets de Moon Boot ou s’étouffer avec des gnocchis froids. Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que ma réaction a été double et m’a rendu temporairement bipolaire. D’un côté, le dépit. La date aurait été trouvée en utilisant une formule scientifique validée par un docteur universitaire dont il s’est avéré qu’il avait été payé par l’agence susmentionnée. Dommage, l’idée qu’on puisse déterminer mathématiquement la source de nos malheurs nourrissait mon espoir d’apprendre à les contourner. Ensuite, les conséquences avouées d’une telle trouvaille : comme souvent, pousser le cheptel de chèvres que nous composons à consommer. Voyager, puisque l’initiative était liée à une chaîne de télé vendant du rêve et des escapades au long cours.
Se changer les idées en achetant de quoi faire fi de sa misérable vie, oublier sa triste existence pendant 24 h, les lendemains qui chantent nous remettant sur la route du bonheur. Du dépit, disais-je, puisqu’il ne s’agissait que d’une date marketée de plus. Comme la fête des grands-mères, intronisée journée de bonne action pour les allergiques aux bisous qui piquent, les dédouanant d’attention pour leur aïeule les 364 jours restants. Comme la Saint-Valentin, alibi pour amoureux incertain qui rachète à « coût » de fleurs et de bistronomie dispendieuse ses maladresses passées, sans oublier d’absoudre ses écarts à venir. J’en ai profité pour me documenter et je vous confirme que la connerie contemporaine est un puits sans fond : 25 mars, journée mondiale de la procrastination (chez nous, on appelle ça une année calendaire). 28 mai, journée mondiale de l’hygiène menstruelle. 7 septembre, journée mondiale de l’air pur pour des ciels bleus (sic)… Mon autre réaction ? Virulente, entière, tranchée. Pourquoi s’en tenir au Blue Monday quand la plupart des jours et semaines qui suivent ou précèdent sentent méchamment la quetsche ?